F. Demotz: L’an 888: le royaume de Bourgogne

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Titel
L’an 888: le royaume de Bourgogne. Une puissance européenne au bord du Léman


Autor(en)
Demotz, François
Reihe
Le Savoir suisse
Erschienen
Lasuaane 2012: Presses polytechniques et universitaires romandes
Anzahl Seiten
144 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Justin Favrod

La collection «Le Savoir suisse» continue son balayage systématique de l’histoire suisse de la préhistoire à nos jours. Elle vient d’ajouter une belle pierre à cet édifice en publiant l’ouvrage de François Demotz. Il passe en revue l’aventure de l’entité politique qui a longtemps été appelée le Second Royaume de Bourgogne en estimant que la dynastie rodolphienne avait ressuscité en 888 le royaume burgonde créé en 443 au bord du Léman.

Cette thèse n’est plus en vigueur. Il paraît aujourd’hui acquis que ni Rodolphe, ni ses sujets n’aspirent à recréer une entité disparue en 534. Le Royaume burgonde a peut-être laissé quelques regrets aux VIe et VIIe siècles, mais il n’est plus qu’un lointain souvenir au IXe siècle. L’historiographie traditionnelle a aussi accordé beaucoup de place à deux reines rodolphiennes, Berthe et Adélaïde, puisque la seconde fit construire l’abbatiale de Payerne, où fut inhumée la première. Berthe a donné lieu à de nombreuses légendes qui n’appar tiennent pas à l’histoire, mais dont les premières remontent au XIIe siècle.

Dans son ouvrage, François Demotz s’écarte résolument de la mythologie qui reste collée aux basques de la dynastie rodolphienne qui règne dans nos régions de 888 à 1032. Il donne un beau résumé de sa thèse de doctorat parue à Lausanne en 2008 (La Bourgogne, dernier des royaumes carolingiens (855-1056) : rois, pouvoirs et élites autour du Léman, Lausanne: Mémoires et documents publiés par la Société d’histoire de la Suisse romande, 4e série t. 9)

François Demotz raconte donc en 142 pages bien tassées le destin de ce petit royaume né sur les braises de l’empire carolingien. Cette nouvelle entité fut créée en 888 pour disparaître en 1032.

Au départ, c’est le comte de Transjurane Rodolphe qui profite de la mort de son suzerain carolingien, Charles-le-Gros, pour se faire proclamer roi de sa circonscription dans la prestigieuse abbaye de Saint-Maurice d’Agaune. La Transjurane, créée au VIe siècle par un Mérovingien, probablement Gontran, allait du Jura aux Alpes, englobant l’actuelle Suisse romande et quelques morceaux de la France voisine. À l’époque, le terme Bourgogne correspondait à l’ancien territoire des Burgondes, soit un bien plus grand territoire qu’aujourd’hui, dont la future Suisse romande.

D’où le nom de royaume de Bourgogne donné à la nouvelle entité. De leurs domaines d’Orbe, de Chavornay ou de Chiètres, à Lausanne ou dans leur monastère de Saint-Maurice d’Agaune, les quatre rois successifs vont se doter d’une cour et d’une administration toutes petites que décrit par le menu François Demotz. Il montre aussi que les évêques tiennent un bon morceau du pouvoir temporel, pour peu qu’ils fassent allégeance au roi qui participe activement à leur élection. Le roi nomme d’ailleurs des proches à la tête des évêchés stratégiques de Lausanne, de Genève ou de Sion. L’auteur consacre un petit chapitre passionnant au contrôle des cols du Jura et des Alpes qui assurent aux Rodolphiens revenus et prestige. François Demotz tente également de cerner les familles aristocratiques qui partagent le pouvoir royal.

L’historien évoque aussi diverses tentatives d’expansion de ce royaume trop à l’étroit. C’est d’abord vers Bâle que le roi tente un coup de main, puis il s’empare de l’Italie du Nord pour peu de temps, ainsi que de la Provence. Le domaine des Rodolphiens va ainsi s’étendre jusqu’à la Méditerranée. Mais, rapidement, le royaume doit se contenter de résister aux appétits de puissants. Rodolphe III meurt en 1032 sans héritier mâle. Il lègue son domaine au Saint-Empire romain germanique.

En fermant le livre de François Demotz, on éprouve la satisfaction d’avoir eu un aperçu complet et rapide d’une période qui reste peu connue du grand public, mais aussi un regret : on aurait aimé quelques pages supplémentaires. L’historien français aurait pu donner son regard sur la renaissance permanente d’une entité politique indépendante entre les mondes germanique, français et italien: royaume burgonde aux Ve et VIe siècles, royaume de Bourgogne du IXe au XIe siècle, puis la Confédération helvétique. Il se trouve que des historiens médiévaux ont évoqué les rois burgondes en utilisant des titulatures propres aux Rodolphiens. Est-ce une simple confusion ou le présupposé d’une continuité? On aurait bien voulu connaître l’opinion de François Demotz à ce sujet. Cet historien ne dit rien non plus sur le destin posthume de la reine Berthe que lui donna la tradition fixée par Charles-Albert Cingria en 1947. Mais la mission était de publier un état de la question synthétique et clair sur cette période de notre histoire. Elle est parfaitement accomplie.

Zitierweise:
Justin Favrod: Compte rendu de: François DEMOTZ, L’an 888: le royaume de Bourgogne: une puissance européenne au bord du Léman, Lausanne: PPUR (Coll. Le Savoir suisse), 2012. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 121, 2013, p. 286-287

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Revue historique vaudoise, tome 121, 2013, p. 286-287

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